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Auteur : Samuel Valkenborgh.

Introduction

L’Aikido est un art martial dont une grande partie des techniques implique une saisie à un moment ou l’autre. Ces saisies servent non seulement à empêcher le partenaire d’attaquer, mais aussi à le déplacer, le contrôler et exposer des points stratégiques.

Pour ces raisons, il est nécessaire d’apprendre à saisir correctement. Or l’efficacité d’une saisie va dépendre de son emplacement, son timing et sa force, éléments qui ne peuvent être intégrés sans un certain entrainement. Ainsi l’entrainement à une saisie correcte prend une très grande place dans certains courants d’Aikido, notamment dans la méthode d’Iwama, où, en kotai*, la moitié du travail consiste à saisir tori*. Nous allons aborder ici les différentes applications des saisies en Aikido, que ce soit pour uke ou pour tori. Certains points vous sembleront évidents à tête reposée; il est cependant important de les étudier pour qu’ils puissent jaillir même en situation de stress !

D’autre part, l’efficacité d’une saisie dépendra de la façon dont l’entièreté du corps est utilisée, pas seulement de la main ! Cet élément qui sera abordé dans un futur article (kokyu), est introduit par Saito Morihiro sensei dans son livre “traditional aikido vol. 3” dont voici un extrait :

Citation
Prenons un exemple concret et étudions le cas d’une saisie d’une main. Si l’adversaire saisissant votre poignet possédait une force de respiration abdominale et s’il avait maîtrisé les secrets de la “saisie”, et que vous étiez moins avancés dans cet art, il y a des chances que vous soyez rendu complètement immobiles. La main de votre adversaire n’exerce plus sur votre poignet une simple “poignée de main” amicale. Sa main, dans ce cas ci, fonctionne comme un outil pour garder votre corps tout entier sous son emprise.
Quels sont alors les secrets de la technique de “saisie”? Les mots ne sont pas vraiment un moyen absolu de communication pour tenter d’expliquer cette technique particulière, mais je vais essayer. Le pouce de l’adversaire est d’abord accroché à votre pouls et le processus de saisie démarre avec son petit doigt, suivi progressivement des trois autres doigts. La force de la saisie est générée par le centre de gravité (nombril) dans le bas du ventre. Cette force, une fois générée, monte et passe par les épaules relâchées puis descend vers les bouts des doigts et plus loin encore. C’est cette force qui garantit une suprématie totale sur son adversaire. Si quelqu’un essaye d’aller plus loin dans l’explication de ce qu’est la force de respiration abdominale ( qui est un sujet pertinent ici), il se trouvera rapidement confronté à des difficultés.
 – Morihiro Saito, Traditional Aikido Vol. 3 – Applied techniques.

Nous nous attarderons ici sur l’aspect technique de ces saisies.


Sommaire

  1. Katate dori, la saisie du poignet
  2. La saisie du sabre
  3. Morote dori
  4. Kosa dori
  5. Ikkyo
  6. Kata dori, ryo kata dori
  7. Nikyo, sankyo, yonkyo, gokyo
  8. Shiho nage, kote gaeshi
  9. Kaiten nage, tenchi nage, aiki no tanren
  10. Saisir avec le corps
  11. Shime waza, irimi nage, kiri otoshi
  12. Atémis et saisies
  13. Remarques importantes
  14. Conclusion
  15. Lexique

1. Katate dori, la saisie du poignet

La première saisie de l’Aikido, celle que l’on pratique à tout entrainement pour tai no henka, est gyaku hanmi katate dori (逆半 身 片手 取り).

Pour être plus exhaustif on pourrait même dire gyaku hanmi jun te katate dori. Ce nom désigne alors dans l’ordre:

  • La position de pied : gyaku hanmi, hanmi inversés (en miroir).
  • La forme : jun te, les mains sont positionnées dans le même alignement (omis en général).
  • L’endroit : katate, l’épaule de la main, soit le poignet.
  • “Saisie” : “tori” qui devient dori pour adoucir la prononciation.

Pour réaliser cette saisie, uke* va d’abord serrer avec son petit doigt au niveau de la fin du cubitus et refermer ensuite progressivement ses autres doigts pour finir avec le pouce.

La saisie est généralement réalisée assez haut sur le poignet. Il s’agit de maintenir le bras avec la paume d’un côté et les doigts de l’autre afin de l’empêcher de se dégager facilement. Les bouts des doigts appuient uniquement sur les muscles, la saisie est donc assez inoffensive. C’est celle-ci qu’il convient de pratiquer à l’entrainement pour éviter les blessures.

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Il est bien entendu possible de saisir un peu plus bas afin de mieux contrôler la main et l’empêcher de pivoter. Pour cela il faut augmenter la pression sur les cartilages de la main et sur le bout du cubitus avec l’annuaire et l’auriculaire, tout en pinçant le radius entre son pouce et son index. Cette saisie est plus efficace mais peut potentiellement abîmer les cartilages de la main. Elle est utilisée, par exemple, dans des variantes de morote dori ou de yonkyo.

Pour se convaincre de la supériorité de cette saisie il suffit de faire ce simple test : saisissez votre poignet d’abord à un niveau bas et tenter de faire pivoter votre main, montez ensuite progressivement votre saisie plus haut sur le poignet. Sans une pression suffisante, la main pivote facilement, les os ne sont pas saisis et roulent sous la peau.


2. La saisie du sabre

Les techniques d’Aikido proviennent en partie des anciennes techniques de sabre. De plus, l’Aikido est un budo qui se prétend être un riai, c’est à dire un art martial où un mouvement unique doit correspondre à plusieurs situations de combat différentes. Il est donc parfaitement logique d’envisager la saisie en taijutsu de la même manière que la saisie d’un sabre.

Les détails techniques d’une saisie correcte du sabre sont les suivants :

  • La main avant : c’est la main droite qui saisit traditionnellement plus haut. Son rôle est de contrôler la direction du sabre. Sa saisie est plus souple et à une plus grande liberté de mouvement.
  • La main arrière : traditionnellement la main gauche, elle a le rôle de garantir la puissance dans l’axe vertical. C’est elle qui pousse vers l’avant pour soulever le sabre, qui ralentit le sabre à la fin d’une coupe, et qui assure l’extension vers l’avant. Sa saisie est ferme avec les derniers doigts serrés et elle reste en permanence sur le centre. Le sabre est tenu fermement avec le petit doigt et l’annulaire.
  • Emplacement : les deux mains sont écartées de l’espace d’une main et sont tournée vers le bas, en ramenant les pouces vers l’intérieur.

Attention, si les deux mains sont, en Aiki-ken, écartées, ce n’est pas toujours le cas. En effet dans de nombreux koryus*, la saisie pouvait/peut se faire avec les mains serrées sur la tsukagashira (embout de la poignée), notamment à la fin d’une coupe, comme par exemple lors du maniement de la hache. En Aikido, la saisie est généralement plus large pour nous permettre de mettre plus facilement de l’extension dans la coupe.

La saisie rapprochée est tout de même utilisée par Saito Morihiro sensei pour développer la stabilité et la tenue de l’arme lors du tanren uchi.

Ces différentes manières de tenir le sabre, ou te no uchi en japonais, sont si variée qu’il est possible pour un expert de reconnaître l’appartenance d’un élève à l’une ou l’autre école uniquement par la façon dont il saisit son arme. En effet, outre l’espacement des mains que nous venons de voir, la saisie pourrait être plus ferme ou plus flexible, jusqu’à ressembler à la manière dont on tiendrait un oeuf au creux de sa main. Elle peut aussi être plus haute ou plus basse et déterminante de l’angle de la lame par rapport à son propre corps ou celui de l’adversaire (en pointant par exemple vers son oeil !). A ce sujet, le sabre en aikido est tenu dans l’axe de la ceinture, soit un peu plus haut et avec plus d’extension que si les bras étaient totalement relâchés. Le sabre “sort du ventre”, sans y être collé, et est généralement pointé vers la gorge de l’adversaire. En tai-jutsu, le lien est facilement fait avec la technique shiho nage où le bras, tenu devant la ceinture, est en ligne directe avec la gorge d’uke !

Il est à noter également qu’en Aikido, l’auriculaire de la main arrière ne dépasse pas de la poignée et ne se place pas derrière le kashira* (comme cela est fait dans certaines écoles). Cela permet entre autre, d’exécuter un atémi avec le pommeau sans modifier sa saisie.

Cette saisie est donc la saisie de base en Aiki-ken, comparons-la maintenant avec la deuxième saisie abordée à chaque cours : morote dori.


3. Morote Dori

Sur morote dori, il est plus courant de venir saisir avec ses mains plus proches l’une de l’autre. En effet, de par l’épaisseur que peut avoir l’avant-bras du partenaire, il est plus difficile de tenir fermement à cet endroit. Nous avons vu que ce type de saisie pouvait aussi correspondre à une saisie du sabre et qu’en cette qualité on pouvait admettre un certain nombre d’éléments de force avec la main arrière et direction avec la main avant.

Saisir avec les mains plus écartées présente tout de même les avantages suivants:

  • Il est possible de saisir le muscle à ses deux extrémités.
  • La saisie permet plus d’extension.
  • Elle permet aussi de mieux ressentir les mouvements de tori.
  • Elle est identique à celle du sabre, travailler une permet donc de travailler l’autre.

Par contre, il ne sera pas toujours possible de saisir fermement un avant-bras bien développé. Une saisie plus basse permet aussi de mieux tenir la main de tori.

Le choix de la manière de saisir peut donc s’orienter vers l’une ou l’autre des solutions mais uniquement si l’on est conscient des avantages et désavantages de chacune des méthodes. Dans tous les cas, morote dori est une saisie qui doit permettre à uke de contrôler tori par son bras, en le tendant jusqu’à l’épaule, tel un sabre. Ainsi, il l’empêche de contre-attaquer directement.

Il est aussi intéressant de noter que les transitions vers les différentes formes de la saisie morote dori (jodan, gedan, ushiro, etc) respectent scrupuleusement les mouvements du sabre. Par exemple, on pousse avec la main arrière pour monter en jodan. Le lecteur est invité à essayer ces différentes formes et à en tirer ses propres conclusions.


4. Kosa dori

Kosa dori, aussi appelé ai hanmi katate dori, apparaît au premier regard comme une simple alternative à gyaku hanmi katate dori. Cependant, cette saisie apporte plusieurs nouveaux éléments, à la fois pédagogiques et historiques.

Si Saito Morihiro sensei a désigné la saisie kosa dori comme la première de son curriculum, c’est probablement pour les facilités pédagogiques qu’amène cette position.

En effet, en ai hanmi, tori est déjà correctement placé pour une grande partie des immobilisations. C’est d’ailleurs par cette position qu’il repassera souvent à partir d’autres saisies. Le pratiquant débutant n’a ainsi pas besoin de réfléchir beaucoup quant à ses déplacements de pieds, il peut se concentrer sur le haut du corps. Ce raisonnement étant tout à fait analogue à celui du travail en suwari-waza, ou les jambes sont immobilisées complètement. Ensuite, cette saisie ne nécessite pas non plus, de la part de tori, un atémi (pour sortir de l’axe ou amener uke en déséquilibre), elle est donc moins dangereuse. La position de la main de tori au moment de la saisie (paume vers le haut ou vers le bas), lui indique déjà comment il pourrait arriver à une technique correspondante. Finalement, kosa dori est la saisie où la première technique, ikkyo, est la plus facile à réaliser.

Outre son utilité durant l’apprentissage, on peut s’interroger aussi sur la place martiale d’une telle saisie. Son origine est en fait historique, datant de l’époque où les samurai se baladaient sabre à la ceinture… La saisie kosa dori est celle que l’on serait tenté d’utiliser pour empêcher quelqu’un de dégainer son sabre!

Selon la façon dont celui-ci avait décidé de le dégainer suivra la forme de la saisie (paume vers le haut ou le bas) et les techniques correspondantes. Cette fois accompagnées du ken, qu’il s’agisse de sa lame (par exemple sur ikkyo) ou de sa tsuka* (comme sur nikyo).


5. Ikkyo

Sur ikkyo, ce n’est plus vers la saisie du sabre que nous allons nous diriger mais vers celle du jo, spécifiquement celle de gaeshi tsuki.

Avant d’y arriver, plusieurs éléments sont à intégrer. Tout d’abord l’ordre des saisies :

C’est la main arrière qui vient se poser en premier, au niveau du coude. Elle forme une pince entre le pouce et l’index autour du creux du coude d’uke. De cette façon, en gardant le pouce à l’intérieur, il est possible d’empêcher uke d’attaquer sans avoir eu besoin de verrouiller la saisie. La deuxième main est alors libre de venir saisir à son tour. Cette deuxième saisie peut prendre différentes formes, correspondantes aux differenst kajo. La saisie classique d’ikkyo est celle qui se crée naturellement sur kosa dori. (Sur d’autres attaques, il est parfois nécessaire d’attendre plus longtemps avant de saisir pour obtenir la forme décrite ici.)

En refermant la main sur le poignet d’Uke par-dessus on obtient alors une saisie similaire à celle de la main arrière au ken ou au jo. L’ensemble des deux mains ressemble à un gaeshi tsuki, prêt à piquer vers l’avant.

Cette saisie gaeshi tsuki permet non seulement d’abaisser plus facilement le bras dans la première partie du mouvement mais permet aussi de piquer vers l’angle d’ikkyo. Dans le déséquilibre d’Uke.

La diversité des adversaires rend peu utile, dans ce cas-ci, une étude approfondie de l’anatomie du coude. S’il est possible de toucher certains nerfs, os ou muscles le parcourant, les dégâts occasionnés par ces points seront minimes (souvent juste une élongation) et ne seront pas auto-suffisants. La meilleure solution restera donc de briser le coude à l’impact ou lorsque l’adversaire est déjà à genoux.

Il est cependant important de s’entraîner à saisir fermement le coude. L’entrainement quotidien renforcera les muscles de l’avant-bras, et modifiera naturellement votre façon de saisir.

Cette saisie du coude, si elle est bien exécutée suffit à assurer un contrôle minimal, permettant, une fois au sol de mettre un atémi avec l’autre bras. Il faut alors croiser pour frapper.


6. Kata dori, ryo kata dori

Bien que leurs noms soient similaires (saisie d’épaule et des deux épaules), ces deux saisies sont assez différentes dans leurs applications.

Pour kata dori, la saisie d’une seule épaule, le but est de contrôler le bras saisis et écarter l’autre bras en déséquilibrant tori. Dans le contexte de l’entrainement, cela se traduira généralement par une saisie du keikogi sur le côté de l’épaule, parfois accompagnée d’une vrille pour la verrouiller.

Pour ryo kata dori, la saisie des deux épaules, le but est d’empêcher les deux bras de tori de vous atteindre directement. Il s’agit aussi de prendre le contrôle du centre. Pour obtenir ce résultat, il est plus utile de saisir directement à l’intérieur, au niveau des clavicules. Dans ce cas comme dans celui où l’on viendrait saisir aux épaules, il faut écraser vers l’intérieur pour assurer la saisie.

La saisie aux épaules, pour être efficace, doit, elle, être réalisée à la jonction entre les muscles de l’épaule et le biceps, le pouce à l’intérieur et l’index à l’extérieur en pinçant de la même manière que l’on fait yonkyo, ou que l’on saisit un sabre. Sur la clavicule le même principe s’applique, c’est par une pression avec le pouce que se révèle la saisie.


7. Nikyo, sankyo, yonkyo et gokyo

Les techniques d’immobilisations suivant ikkyo explorent les différentes façons de saisir le poignet lorsque le coude est plié. Ces différentes saisies sont notamment étudiées sur le blog de Philippe Voarino sensei où il explique qu’à chaque technique correspond une face différente du poignet:

Lien vers l’article.

Une fois la question “ou saisir” réglée, nous pouvons passer au comment :

Sur nikyo, “le pouce pousse le pouce”, la saisie écrase le pouce d’uke vers l’intérieur de sa main. Ensuite, en position de coupe, il faut diriger le petit doigt d’uke vers son visage. L’autre main vient saisir sur le poignet ou plus haut selon les conditions. De nombreuses variantes sont possibles, cependant il est important de comprendre que la force de ces deux saisies va dépendre ici des auriculaires ! C’est ces derniers qui génèrent la force de “recul” et qui va permettre de retourner le poignet ou plier le bras d’uke.

Sur sankyo, la première saisie de la main ne sert qu’à faire la transition vers une saisie par l’intérieur. Ici la saisie n’est pas obligatoire pour la première partie du mouvement; rester en contact dans un angle correct peut être suffisant. Pour assurer le contrôle lorsque l’angle de la main est vertical, il faut idéalement utiliser les deux mains, comme si l’on saisissait le ken. Une fois que la main qui saisit est orientée paume vers le bas, l’assistance de la première main n’est même plus nécessaire.

De l’orientation de votre main dépendra la force de votre saisie, qui sera toujours plus solide paume vers le bas. Ces orientations différentes seront étudiées plus en détail dans l’article concernant les spirales (tomoe).

Sur yonkyo, c’est spécifiquement l’action de monter le sabre qui est étudiée. C’est donc la pince entre le pouce et l’index qui génère la force.

Il faut se rappeler qu’il y a un moment de coupe dans chacune de ces techniques. Réfléchissez bien à ceci.

Il est à noter aussi que la saisie de nikyo au poignet sera plus spontanée que celle d’ikkyo sur une saisie comme katate dori. De manière analogue, la saisie en sankyo sera plus accessible sur une saisie arrière. Il est utile de s’interroger sur les facilitées qu’offre chaque situation. De plus, il faut se questionner sur les différences d’application de ces techniques. Certaines passent par le haut et servent à rapprocher uke. D’autre viennent par le bas et servent à l’écarter. Cette vision plus stratégique des techniques est la première étape vers un renzoku* correct.

Gokyo, le dernier de la liste, est lui un retour vers une saisie du sabre (ou celle de choku tsuki) qui n’est plus pointé vers uke mais dans la direction opposée. Il ne s’agit plus ici de pousser ou de tordre le bras d’uke, mais bien de l’étendre. (Le contrôle du coude est le même que sur ikkyo).


8. Shiho nage, kote gaeshi

Pour shiho nage et kote gaeshi, la spirale doit être l’inverse de celle d’ikkyo. Pour que cette spirale ne nous mette pas en danger, il faut absolument éviter de se retrouver face à uke au moment de la saisie. Pour cela, la première partie de la technique doit être consacrée à sortir de l’axe et placer uke dans un déséquilibre qui exposera son dos. Ce n’est qu’à ce moment, et pas avant, que l’on pourra complèter la saisie avec la deuxième main.

Sortir de l’axe en saisissant est d’ailleurs un travail qui peut être fait sur toutes les autres attaques lorsque le niveau de tori est suffisant. Cela de permet de “voler le centre” de tori.

Une fois correctement sorti de l’axe, saisir à deux mains de façon correcte va apporter de sérieux avantages :

La saisie de shiho nage est une saisie croisée au début. C’est celle que l’on obtient en faisant gyaku yokomen au ken. Croiser les mains permet de tendre plus le bras d’uke, en piquant vers lui. Ce faisant, il respecte aussi le principe du ken selon lequel c’est la main de l’extrémité qui pousse pour monter. Une fois la rotation de shiho nage effectuée, cette saisie se décroise naturellement.

Avec ce type de saisie, il est très facile d’obtenir l’effet de yonkyo sur le poignet d’uke, ce qui permet plus d’extension pour déséquilibrer encore plus en montant les bras.

A la fin de la technique, au moment de la coupe, il faut garder une saisie ferme pour couper avec un angle correct : le coude d’uke doit s’éloigner de vous. Pour amplifier ce résultat, il est possible de faire la coupe en reculant plutôt qu’avec un sursaut du pied avant. Cette version est cependant beaucoup plus contraignante pour uke et est donc peu pratiquée à l’entrainement.

Sur kote gaeshi au contraire, les mains sont décroisées au début et se croisent à la fin.

La première saisie, celle de la main avant, se fait en gaeshi tsuki. Elle peut être effectuée autant sur le haut de l’avant-bras qu’à la base du poignet. Dans les deux cas il est nécessaire d’y appliquer une torsion pour faire pivoter le coude d’uke vers l’avant. Sans cette torsion, uke serait libre de vous atteindre avec son autre main. Cette saisie peut suffire à déséquilibrer uke.

La seconde main effectue une saisie complémentaire. Alors que la première saisie déséquilibre uke latéralement. La deuxième, qui retourne et enroule le bras d’uke, a une action plus verticale, vers le dos d’uke. Ces deux actions doivent être bien distinctes sans quoi uke pourrait pivoter vers tori dans sa chute. C’est à ce moment que les mains sont croisées, comme sur gyaku yokomen.

Dans ce cas-ci, comme au début de shiho nage, il y a une action latérale de la main éloignée et une action verticale de la main rapprochée, comme cela est le cas au ken. On monte pour shiho nage, et on descend sur kote gaeshi.

15Finalement, sur kote gaeshi, il est possible de renforcer la saisie de la deuxième main en pinçant avec le côté du pouce comme montré sur le blog Budoshugyosha:

Voir l’article en question.

Reprenons donc notre Kote Gaeshi. Mais cette fois au lieu de retourner le poignet avec l’aide de la pulpe du pouce, c’est le tranchant de ce même doigt que l’on va plaquer sur le dos de la main adverse. Et miracle, la saisie s’en trouve verrouillée sans qu’il soit cette fois nécessaire d’y mettre de la force. Tout mouvement du corps se trouvera transmis de manière irrémédiable car la saisie en pince du poignet est devenu étau.

 


9. Kaiten nage, tenchi nage, aiki no tanren

Kaiten nage fait apparaître un nouveau principe de l’aikido : garder le contact sans saisir. Ce principe a pour nom “musubi” qui signifie le lien. Ce que Myamoto Musashi appelle adhérer à la lame de l’autre.

 “L’adhérence est forte tandis que l’enchevêtrement est faible, il faut bien les distinguer”.

Il existe des techniques en Aikido où il n’est pas utile ou possible de saisir uke. Ces situations sont souvent celles où seul le dos de votre main est en contact avec le bras d’uke. Comment, dans ce cas, assurer son contrôle ?

Sur kaiten nage, il ne faut pas saisir pendant toute la première partie du mouvement qu’il soit uchi (intérieur) ou soto (extérieur). Durant cette partie, votre main fait à tout moment pression vers la tête d’uke ou dans l’angle d’immobilité du bras. La technique aboutit lorsque cet angle s’aligne avec la tête d’uke. C’est à ce moment, et pas avant, qu’on peut saisir. La saisie se fait alors naturellement avec la fourche de la main, l’autre main se pose sur la tête pour contrôler uke.

Sur tenchi nage, l’action des bras est maintenant de s’écarter avant de se rejoindre. Sur la première partie, il faut amener les bras d’uke dans leurs angles de limite de mobilité. Cela se traduit par tendre le bras vers le sol d’un côté et vers le ciel de l’autre. Il faut ensuite que les bras se rejoignent derrière uke, aucune saisie n’est nécessaire. Il est important par contre, qu’à tout moment dans le mouvement, tori garde une pression vers la tête d’uke à travers ses bras pour le contrôler.

Ce principe d’adhérence à uke est isolé sur l’exercice aiki no tanren. Il s’agit ici d’absorber et faire pivoter le bras d’uke afin de le projeter d’une seule main. Cela sans avoir eu à le saisir. Le mouvement pour projeter est similaire à gaeshi tsuki. Cet exercice peut sembler compliqué aux débutants, il est en effet très abstrait. Cependant, comme son nom (“tanren”) l’indique, il s’agit bien d’un exercice. C’est uke qui doit jauger la difficulté à imposer à tori pour que ce dernier puisse progresser. Correctement mis en place, cet exercice permet d’approfondir les principes de musubi et de kuzushi, sur lesquels nous reviendrons dans d’autres articles.


10. Saisir avec le corps

Il reste un certain nombre de situations où une saisie est désirable mais où les mains sont hors d’atteinte. Notamment lorsque le maai* est très réduit. Il est alors envisageable de saisir avec d’autres parties du corps, les coudes et les jambes par exemple.

18Dans hiji kime osae (hiji katame) et dans ude garami, par exemple, le contrôle du coude est obtenu avec votre propre coude. Il est à noter que ce type de contrôle est le même sur les finales de nikyo et sankyo. Ce qui ne devrait pas étonner le pratiquant puisque ces deux techniques et celles mentionnées plus tôt sont étroitement liées.

Pour faire nikyo sur sode dori, il est aussi utile de “saisir avec le coude”, voir l’article ici.

Sur irimi nage et kokyu nage, il est aussi possible de saisir la tête en l’enserrant avec le coude. Voici deux exemples:

  • Kokyu nage

  • Kokyu ho

Les saisies avec avec les jambes sont, elles, plus adaptées à une situation de fin de technique pour un contrôle plus durable. Par exemple sur des variantes d’ikkyo, en immobilisant avec la jambe, il est possible de garder les mains libre. Ce type de contrôle est cependant peu étudié en aikido, ces principes seront par contre bien plus souvent appliqués en judo, où un contrôle au sol doit être efficace sans nécessiter d’atémi.

Finalement, il est possible de mettre ce principe en lien avec le précédant pour garder un contact de contrôle avec une autre partie du corps. Par exemple sur ude kime nage, sur gokyo ou bien sur des variantes de juji garami.


11. Shime waza, irimi nage, kiri otoshi

Certaines techniques d’aikido amènent naturellement tori vers une situation où il peut étrangler uke. En japonais, les techniques d’étranglements sont appelées shime-waza. Certains étranglements sont déjà pratiqués dans les saisies de base du programme :

  • muna dori (mae kubi shime)
  • ryo muna dori kubi shime
  • ushiro katate dori kubi shime
  • ushiro hagai shime
  • ushiro eri dori

Ces étranglements, ainsi que d’autres, peuvent être obtenus à partir des techniques suivantes:

  1. Kokyu nage : les différents kokyu nage vont nous conduire aux étranglements par l’avant. Par sumi otoshi (projection dans l’angle), il est par exemple facile d’arriver à un étranglement de type muna dori. Par contre, sur le kokyu nage vu plus haut, le shime-waza est éxécuté avec le coude et est beaucoup plus proche du corps d’uke. Finalement, il est possible d’avoir un étranglement en tournant le dos à l’adversaire sur kubi nage.
  2. Kokyu ho : sur kokyu ho, l’étranglement vient par le côté et se fait avec tout le bras comme vu plus haut. Pour être plus efficace, il est intéressant de tordre la tête vers le dos une fois celle-ci saisie, amenant uke dans un déséquilibre encore plus grand.
  3. Irimi nage : sur irimi nage, la saisie du poignet sera déterminante. Avec une saisie de type shiho nage, il sera plus aisé de réduire le maai pour obtenir un étranglement du type ushiro katate dori kubi shime. Par contre, une saisie plus légère, de type ikkyo, rendra plus difficile l’accès au-delà du col. Il faudra donc souvent se rabattre sur eri dori ou une saisie du visage.
  4. Kiri otoshi : sur kiri otoshi, vous êtes placés derrière uke. Outre la projection et l’étranglement classique, il est notamment possible de saisir en hagai shime. Le comportement d’uke influencera ensuite la finale de l’étranglement. Dans le cas où il ne réagirait pas, la saisie se refermera autour de ses bras l’empêchant de contre-attaquer facilement. Il est dans ce cas possible de déplacer la saisie vers le haut pour un étranglement plus classique. C’est dans le cas où uke réagirait en montant ses bras que la saisie en hagai shime montre ses avantages. En effet, dans ce cas, il est possible non seulement de couper le souffle d’uke, mais aussi de remonter vers une saisie de la nuque.

Finalement, il est aussi possible de remplacer les finales classiques des immobilisations par des variantes incluant des étranglements. Ceux-ci, ainsi que d’autres moyen de contrôle exigeants seront abordés dans un prochain article (ne-waza).


12. Atémis et saisies

Les techniques d’Aikido sont ainsi faites qu’elles nous placent toujours dans des situations propices aux atémi. En plus d’assurer le bon déroulement de la technique, les atémi peuvent mettre abruptement un terme au combat. On ira jusqu’à dire que “l’Aikido est à 90% des atémi”. Cette expression attribuée à O sensei lui même, peut laisser le débutant perplexe. Elle prend cependant tout son sens quand le pratiquant réalise qu’à chaque partie de chaque technique correspond un atémi caché. Nous aurons l’occasion de parler de cette forme d’atémi dans un prochain article, cependant voici déjà quelques exemples d’atémi tirant leur efficacité de la saisie :

  1. Saisie des côtes : sur la spirale d’ikkyo (shita kara*), il est possible d’atteindre les côtes supérieures par le creux de l’épaule. On peut alors saisir celle-ci en s’aidant de l’autre main pour amener uke vers l’avant.
  2. Saisie de la clavicule : sur divers kokyu nage par l’intérieur, sur tenchi nage. Quand le visage n’est pas accessible, la clavicule offre un point d’accroche supplémentaire.
  3. Saisie de l’omoplate : sur la finale de sankyo, ude garami, kaiten nage. L’omoplate est saisie dans le même sens que la technique, empêchant uke d’aller à son encontre.
  4. Saisie de l’entrejambe : sur kokyu ho (obi otoshi), aiki otoshi, ganseki otoshi, dans tous les cas où il n’y a pas de prises faciles comme une ceinture.
  5. Saisie du visage (mâchoire, yeux, oreilles) : sur kokyu nage, irimi nage, kiri otoshi, ganseki otoshi, hiji kime osae. Principalement dans les cas où le maai est trop réduit pour un atémi classique.
  6. Saisie du cou/nuque : sur kubi nage, kokyu nage, kokyu ho, koshi nage, kaiten nage, irimi nage, ganseki otoshi. Pour étrangler l’adversaire, briser la nuque ou utiliser la tête comme verrou de la saisie.


Remarques importantes:

    1. L’approche : il est dangereux d’approcher uke avec les mains ouvertes ! Que ce soit pour une saisie classique ou un atémi, il faut attendre d’être à portée pour ouvrir la main et saisir. Jusqu’à ce moment, les doigts doivent être protégés (que ce soit en prenant la forme d’un poing, ou en les fermants à demi).
    2. Saisir en tant qu’uke : sortir de l’axe en saisissant permet de rendre la saisie plus forte et rend l’exercice plus compliqué pour tori. Il est aussi important de garder le bras souple, même lorsque la saisie est forte ! Ces deux éléments sont à appliquer chaque fois que le niveau de tori le permet.
    3. L’évidence dans les arts martiaux : de nombreux points abordés dans cet article sont évidents à tête reposée. Cependant, pour qu’il puissent jaillir dans les situations plus réelles, ils doivent être conscientisés. Les possibilités de chaque mouvement doivent être vues a priori, à l’entrainement ou mentalement, sans quoi le risque est de les oublier sous l’effet du stress. C’est en prenant conscience de suffisamment d’éléments, évidents ou non, articulés autour de principes, que l’on peut arriver au takemusu aiki.
    4. L’alignement du poignet : L’utilisation du poignet en rotation pour aider à la technique sera abordé dans un prochain article (tomoe), cependant il est important d’envisager d’ores et déjà l’alignement correct de celui-ci avec la saisie. Une saisie sera plus forte si le poignet est correctement aligné, dans la position qui demande le moins d’effort musculaire.
    5. S’entraîner musculairement : si vous désirez entraîner les muscles de vos avant-bras en dehors des cours, les options sont multiples. Je ne peux m’empêcher, si vous comprenez l’anglais, de vous orienter vers le subreddit griptraining qui regorge de conseils en la matière. Si certains exercices requièrent beaucoup de matériel, d’autres peuvent être effectués partout… Pour les plus occupés, je conseille donc d’investir dans un grip ajustable et de le conserver à portée de main en voiture ! Les feux-rouges et embouteillages vous laisseront tout le temps nécessaire à ce petit entrainement.


Conclusion 

27Si tout un article leur est dédié ici, les saisies ne sont qu’un outil de plus dans la panoplie du pratiquant. Elles ne servent pas à remplacer les atémi classiques, et ne rendent pas les techniques absolues. Cependant, il est intéressant de bien s’interroger sur les choses que l’on fait à chaque cours. Saisir est une de ces choses. Si chaque saisie est, à l’entrainement, remplie de volonté, le pratiquant ne manquera pas d’en développer la force sur le long terme. Par contre, pratiquer des années sans penser à la saisie fera apparaître des lacunes à rattraper dans le travail plus avancé. C’est pour cette raison que cet article est le premier de la série, il concerne autant les débutants que les plus avancés.

Cet article n’étant pas exhaustif, il ne remplacera pas une réflexion en profondeur sur les tatamis ! Pensez donc à saisir correctement à tout instant, que vous soyez uke ou tori.

Combat immergé de Tanmeijirô Genshôgo, (illustration de Utagawa Kuniyoshi). Dans ce cas, la saisie est décisive !

Lexique:

  • Kotaï : travail solide/statique, le travail de base à Iwama.
  • Tori : celui qui est attaqué/saisi et qui réalise la technique.
  • Uke : celui qui saisit ou attaque et qui reçoit la technique. (ukeru : recevoir)
  • Koryu : les écoles traditionnelles d’art martiaux au japon.
  • Kashira :  le pommeau du sabre.
  • Tsuka : la poignée du sabre.
  • Renzoku-waza : techniques continues.
  • Maai : la distance et le timing.
  • Shita kara ue made (下から上まで) : du (kara) bas (shita 下) vers (made) le haut (ue 上).

Sources : 

  • Morihiro Saito (31 mars 1928 – 13 mai 2002), Traditional Aikido Vol. 1 à 5.
  • Morihei Ueshiba (14 décembre 1883 – 26 avril 1969), Budo (1938).
  • Illustration d’Utagawa Kuniyoshi (歌川 国芳?, 1 janvier 1798 – 14 avril 1861), Tameijiro Genshogo.
  • Photos de Bushin.

Auteur : Samuel Valkenborgh.